Sabine Dini, Lauréate du Prix Léon Bourgeois 2021

Sabine Arkaïda Dini possède un Master de Lettres de la Sorbonne, un Master en Sciences Sociales de l’EHESS et une thèse de sociologie de l’Université Sorbonne Paris Nord dirigée par le Prof. Antoine Pécoud. À la croisée de la sociologie globale et de la sociologie des relations internationales, elle mène un travail de recherche qui interroge la gouvernance des migrations internationales dans la Corne de l’Afrique et compare l’intervention du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et celle de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Djibouti.

Résumé : La thèse traite de la gouvernance par l’aide des migrations internationales en Afrique. Elle interroge les logiques d’obligation et de réciprocité à l’œuvre dans le dispositif de coopération asymétrique fondé sur l’aide entre les États bailleurs de fonds, les organisations intergouvernementales et les États récipiendaires africains. La démonstration repose sur une analyse archivistique et ethnographique du transfert de ressources orchestré par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à Djibouti, petite République de la Corne de l’Afrique, entre 1977 et 2019. En mobilisant le concept de don organisationnel, l’argument met en lumière les conditions permettant de faire basculer une aide matérielle en un véritable rapport social. Les institutions qui font alliance, ne sont pas simplement liées par contrat, mais elles s’inscrivent dans un rapport de réciprocité qui parvient à « obliger » l’État récipiendaire de l’aide. L’analyse propose donc d’élucider les conditions structurelles qui transforment, à l’échelle internationale, un transfert de ressources en don maussien et, donc, en alliance inter-étatique.
La comparaison des formes de transfert de ressources réalisées dans le pays par les deux organisations intergouvernementales (OIGs) est le socle d’une montée en généralité qui présente deux paradigmes divergents de la coopération interétatique par l’aide en Afrique. La première partie de l’ouvrage, chronologique, traite du transfert de ressources contractualisé que met en œuvre le HCR à partir de 1977. La relation contractuelle nouée avec l’État récipiendaire, loin de transformer la relation d’assistance asymétrique en rapport de coopération égalitaire, participe, en formalisant une relation d’obligation entre les deux parties, à exacerber le rapport de domination entre les États bailleurs de fonds, l’OIG et l’État récipiendaire. À rebours, le dispositif d’intervention réalisé par l’OIM renverse les cadres normatifs de l’aide pour transformer l’État-hôte, non plus en donataire des ressources de l’aide, mais en donateur de sa souveraineté. En requalifiant la relation au niveau symbolique, l’OIM voile l’asymétrie du rapport de coopération interétatique par l’aide et transforme un rapport d’obligation en alliance volontaire et désirable entre les États, donateurs et donataires, fondée sur la réciprocité.