- Mme Eva OSLEJSKOVA soutiendra publiquement sa thèse : Jeudi 4 juillet 2024 à 14h30 , à l’Université Paris XIII dénommée Université Sorbonne Paris Nord – CAMPUS CONDORCET – Place du Front Populaire-93322 Aubervilliers SALLE – 3023
Spécialité : Psychologie
Sujet : L’expérience des femmes ayant eu recours à l’autogreffe du tissu ovarien après les traitements pour une maladie grave. Une étude qualitative.
Plusieurs techniques de préservation de la fertilité ont été développées afin de maintenir le potentiel reproductif de personnes exposées à des traitements gonadotoxiques. L’une de ces techniques implique le prélèvement du tissu ovarien (PTO) en vue de l’autogreffe (ATO) réalisée ultérieurement. Cette technique a connu un essor récent, soutenu par des résultats cliniques prometteurs. L’intervention permet de rétablir la fonction reproductive suivie d’une grossesse pour environ un tiers des personnes. Toutefois, la littérature sur les effets psychosociaux de cette intervention reste rare. L’objectif de cette recherche visait à mieux comprendre l’expérience des femmes qui ont eu recours à l’autogreffe du tissu ovarien (ATO) afin de restaurer leur fertilité à la suite d’un traitement pour une maladie grave. Nous avons porté une attention particulière à l’expérience subjective de ce parcours de préservation de la fertilité ainsi qu’à la manière dont cette intervention s’inscrit dans leurs relations (familiales, conjugales), et leurs trajectoires de vie. Notre échantillon a été constitué de 24 participantes recrutées à partir d’un des plus grands groupes de patientes ayant reçu l’ATO en France (Hôpital Saint-Louis, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière). Les données ont été recueillies au cours d’un entretien individuel, enregistré et transcrit verbatim. La réalisation et les analyses des entretiens ont été guidées par les méthodes de la théorisation ancrée. Dans l’interprétation des résultats, ce travail adopte la perspective de l’interactionnisme symbolique, notamment les concepts de soi, de rupture biographique, de liminalité et de stigmate. Nous proposons la notion de rupture biographique pour conceptualiser les annonces du diagnostic et du risque d’infertilité dans la mesure où ces derniers compromettent les trajectoires de vie des femmes et leurs attentes envers l’avenir. L’ATO participe au travail biographique engagé par les femmes afin de reconstruire les repères biographiques. Le processus de médicalisation de la fertilité initié avec le PTO est vécu comme une expérience liminale caractérisée par une perte de repères et par l’incertitude. Nous montrons comment cette liminalité est incarnée à travers les traitements et le PTO, et de quelle manière elle influence la vie relationnelle des femmes, leurs relations amoureuses, familiales et sociales. Nous illustrons comment les femmes naviguent le stigmate de la maladie et de l’infertilité dans le contexte de l’ATO qui peut être vécu comme une façon de dépasser les dimensions liminales de leur expérience. Les récits de nos participantes montrent que les bénéfices de cette intervention sont multiples, ils coexistent et s’éloignent parfois de l’objectif procréatif. L’ATO participe au processus de reconstruction de soi, en particulier de repères du genre et de la santé. Toutefois, cette étude met en évidence que le parcours médical des femmes est aussi composé de contraintes imposées par le dispositif organisé autour de l’objectif procréatif. Nous montrons de quelle manière les différentes contraintes ont marqué l’expérience des femmes. Pour certaines, le recours à l’ATO ne mène pas à l’issue de l’état liminal qui persiste parfois au-delà de la grossesse et de la naissance de l’enfant.